2024
09 août
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Portrait d'alumni : entretien avec Maud Borensztein

L'Institut Curie compte de nombreux alumni qui ont effectué leur master, leur doctorat ou leur post-doc à l'Institut et qui ont ensuite suivi des parcours professionnels variés. Nous aimerions vous en présenter quelques-uns.

Portrait picture of Maud Borensztein

Pourriez-vous nous parler de votre parcours universitaire et de votre poste actuel ?

Je savais que je voulais faire de la biologie, j'ai donc étudié à l'Université Paris 7, qui s'appelle aujourd'hui l'Université de Paris. La troisième année de mes études, je me suis inscrite à un "Magistère de Génétique". J'ai choisi cette voie parce qu'elle était très orientée vers la recherche et que l'on pouvait faire beaucoup de stages, notamment à l'étranger. Ensuite, j'ai passé un concours pour obtenir une bourse pour mon doctorat. Je l'ai obtenue auprès de l'école doctorale "Complexité du Vivant" (CDV). J'ai fait mon doctorat sur l'empreinte génomique et le développement musculaire pendant l'embryogenèse de la souris à l'Institut Cochin avec Luisa Dandolo où j'avais déjà fait un stage de six mois pendant ma deuxième année de master. Ensuite, j'ai eu la chance d'avoir une offre de poste pour entrer dans le laboratoire d'Edith Heard à l'Institut Curie. Elle travaillait également sur un mécanisme épigénétique, mais cette fois-ci, il s'agissait de l'activation du chromosome X. J'étais vraiment fascinée par l'idée de réduire au silence un chromosome complet, ce qui se produit très tôt au cours de l'embryogenèse. Pendant mon postdoc, nous avons mis en place des technologies ambitieuses, telles que l'ARN-Seq à cellule unique dans les embryons précoces, et pour cela je suis allée à Cambridge pour apprendre la technologie au Gurdon Institute avec Azim Surani. J'ai passé quatre ans et demi avec Edith Heard à l'Institut Curie (2011-2015) à faire un postdoc, puis j'ai eu cette envie de repartir à l'étranger. J'ai donc contacté Azim Surani pour travailler sur mon projet de réactivation du chromosome X dans la lignée germinale. Il a accepté et j'ai obtenu une bourse pour travailler avec lui à l'université de Cambridge, au Royaume-Uni, où j'ai passé deux ans et demi. Au cours de l'année 2017, j'ai postulé au concours du CNRS pour revenir à l'Institut Curie en tant que chercheuse avec Edith Heard. Je suis donc revenue mi-2018 et c'est à ce moment-là qu'Edith a su qu'elle allait prendre la tête de l'EMBL et s'installer à Heidelberg avec une partie du laboratoire. J'ai eu la chance de pouvoir rester à l'Institut Curie pendant 18 mois, où j'ai aidé à fermer le laboratoire d'Edith Heard. J'ai eu quelques projets avec le laboratoire de Déborah Bourc'his, qui est spécialisé dans l'empreinte génomique et le développement précoce des mammifères, mais j'ai aussi eu l'occasion de développer mes propres outils et mes propres recherches. Par exemple, j'ai développé une lignée de cellules souches embryonnaires femelles spécifique pour étudier la réactivation du chromosome X in vitro. De plus, pendant cette période (2019-2020), j'ai demandé à mettre en place ma propre équipe pour travailler de manière indépendante sur mes sujets. J'ai postulé à différentes bourses et j'ai été sélectionnée par FRM et ATIP-Avenir. J'ai donc décidé de déménager et d'installer mon laboratoire à Montpellier, à l'Institut de Génétique Moléculaire de Montpellier, l'IGMM. L'équipe a maintenant 10 mois d'existence (elle a ouvert ses portes en janvier 2021). C'est évidemment beaucoup de travail, mais c'est vraiment formidable de pouvoir travailler avec les personnes que l'on a choisies. Nous travaillons sur la réactivation du chromosome X dans la lignée germinale, ainsi que dans les embryons précoces. Nous utilisons des outils in vivo et in vitro.

 

Qu'avez-vous appris à l'Institut Curie qui vous a aidé non seulement à trouver votre voie, mais aussi à atteindre vos objectifs professionnels ?

En revenant dans le laboratoire d'Edith, j'ai toujours su que je devais me développer et créer mon propre groupe. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait grâce à elle, car elle m'a donné beaucoup d'indépendance à mon retour de Cambridge. C'était vraiment extraordinaire de sa part. Ce qui m'a le plus touchée, c'est qu'Edith m'a fait confiance pour suivre mes recherches. J'ai commencé à travailler sur certains de mes projets dans son laboratoire. Elle m'a donné des outils extraordinaires pour demander mes propres subventions, comme les subventions pour les chefs de groupe débutants. Cela a été extrêmement important pour moi. Lorsque je suis arrivée à Montpellier, des personnes se sont très vite jointes à nous. Rapidement, l'équipe est passée à cinq personnes, ce qui est beaucoup pour la première année. Ce qui est vraiment bien, c'est que le laboratoire fonctionne. Je pense que tout le monde a trouvé sa place, nous savons où sont les projets, et nous devons maintenant assurer les activités scientifiques. Mais ces deux ans / dix-huits mois à l'Institut Curie m'ont vraiment aidé à mettre en place toutes les bases de mon laboratoire. Tous les outils technologiques dont j'aurais besoin, prendre le temps de rédiger des demandes de subventions... Déborah Bourc'his m'a beaucoup aidé à rédiger des demandes de subvention. Elle m'a beaucoup aidé pour les entretiens. L'Institut Curie a également été très important parce qu'il offre ce que nous ne trouvons nulle part ailleurs : une excellente équipe de soutien (SPV) pour la rédaction des demandes de subvention. Ils ont un rédacteur scientifique qui aide les chefs de groupe à rédiger les subventions. L'Institut Curie m'a donc beaucoup aidé à rédiger ma première subvention. Il y a aussi des gens dans l'équipe SPV qui vous rappellent la date limite de la subvention, la date à laquelle vous devez soumettre tous les documents... Cela enlève beaucoup de travail administratif des épaules des chercheurs, et en cela, l'Institut Curie est vraiment extraordinaire. Parmi les différents instituts de recherche que je connais, c'est l'Institut Curie qui m'a offert le meilleur soutien.

 

De votre point de vue, qu'est-ce qui différencie l'Institut Curie des autres instituts de recherche ?

Je pense que l'Institut Curie apporte beaucoup de soutien, par exemple en matière de rédaction scientifique et de formation, et qu'il donne accès aux meilleurs équipements. Ils savent à quel point c'est important. L'Institut Curie propose des ateliers très intéressants. En fait, tous les cours de l'Institut Curie sont excellents et il est possible d'y participer en tant que membre de l'Institut. Beaucoup de grands orateurs sont invités sur place et il est facile de les rencontrer. Je trouve également que l'Institut Curie offre de nombreuses possibilités de travail en équipe. Par exemple, les sessions Ratatouille (NDLR : les sessions Ratatouille sont des événements organisés par l'Association des Doctorants et post-doctorants de l'Institut Curie). En fait, c'est l'un des doctorants d'Edith Heard qui en est à l'origine, il y a quelques années. Il est agréable de voir que l'institut est à l'écoute des doctorants et des post-doctorants et de leurs besoins. Chaque fois que j'y retourne, je constate que c'était une époque formidable et un endroit où il faisait bon travailler.

 

Comment décririez-vous votre expérience à l'Institut Curie ? Y a-t-il une expérience mémorable que vous aimeriez partager ?

J'ai deux expériences distinctes, l'une en tant que post-doctorante et l'autre en tant que chercheuse au CNRS. Dans les deux cas, je pense que ce qui frappe à l'Institut Curie, c'est la grande qualité de la recherche, des infrastructures, des plateformes... C'est vraiment un lieu de travail d'excellence pour les personnes qui y travaillent. Il est agréable de pouvoir se concentrer sur ses recherches avec tout ce qui nous entoure à l'Institut Curie. Je pense que l'on a vraiment de la chance d'y travailler pour cette raison. J'aime aussi beaucoup le fait qu'il existe une communauté de l'Institut Curie. C'est ainsi que je l'ai ressenti. J'étais dans le bâtiment de la BDD (Biologie du Développement) et j'ai senti, par exemple, une communauté de la BDD. Il est très important de créer des réseaux, de discuter, d'échanger des connaissances scientifiques et de nouer de nouvelles collaborations. Je pense que l'Institut Curie est un endroit idéal pour ce type de collaboration entre les équipes. De nombreuses équipes travaillent ensemble. Et vous le remarquez mieux quand vous partez. En fait, chaque fois que l'on quitte un endroit, on se rend compte de ce que l'on avait.

 

Avez-vous quelque chose à ajouter ? Peut-être un conseil à donner aux doctorants et aux postdocs de Curie ?

Je pense que ce que vous faites en ce moment, comme essayer de rassembler les anciens, est important. Il est important de créer cette sorte d'esprit d'appartenance à l'Institut Curie et de pouvoir accéder aux personnes qui ont fait la même chose que vous ou la même chose que vous pensez vouloir faire, pour ensuite avoir le temps d'accéder à leurs coordonnées, de discuter avec eux ou ce genre de choses. Je pense donc que c'est quelque chose de vraiment génial à essayer de créer. Je pense aussi que les gens devraient se rendre compte de la chance qu'ils ont. Je plaisante toujours, mais certaines personnes ne se rendent pas compte de la chance que nous avons en France, à l'Institut Curie, avec tout ce que nous avons et l'endroit formidable où nous pouvons travailler, qui est clairement en partie grâce aux donations que l'Institut Curie reçoit. Il y a peut-être une autre chose que j'ai toujours faite depuis mon doctorat : mener de nombreuses activités de sensibilisation. Pendant plusieurs années, j'ai accueilli des élèves du secondaire lorsque j'étais à l'Institut Curie. Nous avons également accueilli des écoles de très jeunes enfants, âgés de cinq ans par exemple, pour leur montrer ce qu'est un institut. Ce sont des choses que les gens de l'Institut Curie font beaucoup. Je pense qu'il est important de partager ce que nous avons et j'applique maintenant ce que l'Institut Curie m'a apporté au sein de mon propre groupe à l'IGMM Montpellier.

 

Entretien réalisé par Ana Luisa Dian, doctorante à l'Institut Curie